OUTILS FROIDS
  • Société
    • OF Conseil
    • Christophe Deschamps
  • Prestations
    • Formation
    • Conseil
    • Conférences
  • Publications
    • Livres
      • Le nouveau management de l’information. La gestion des connaissances au coeur de l’entreprise 2.0.
      • La boîte à outils de l’intelligence économique
      • Organisez vos données personnelles. L’essentiel du PKM
    • Base de connaissances
    • Newsletter hebdomadaire d’Outils Froids
    • Les découvertes hebdomadaires d’Outils Froids
  • Contact
7 novembre 2025 par Christophe Deschamps

Informer en 2025 (V-b) : le facteur Musk

Informer en 2025 (V-b) : le facteur Musk
7 novembre 2025 par Christophe Deschamps

L’information « médiatique » se diffuse de moins en moins selon les circuits traditionnels : les plateformes et l’IA redessinent désormais la manière dont l’actualité est produite, relayée et perçue. Les interfaces d’IA commencent à produire des réponses « façon article », la recherche change, et les rédactions voient les difficultés économiques se multiplier. Surtout, cette mutation se produit sur fond de crise de confiance : une part du public se détourne des rédactions jugées lentes ou biaisées et s’informe via des créateurs et des plateformes. En France, une récente étude de l’IFOP indique ainsi que 62 % des étudiants en écoles de journalisme aspirent à devenir créateurs de contenus et 36 % veulent créer leur propre média — une ambition partagée par 78 % des journalistes en poste. La logique de carrière se renverse : on ne « monte » plus seulement dans une rédaction, on « lance » un format, signe d’un journalisme entrepreneurial en plein essor. Aux États‑Unis, 53 % des adultes disent obtenir régulièrement des nouvelles via les réseaux sociaux ; pour la première fois, cela dépasse les audiences des actualités télévisées (54 % via réseaux sociaux vs. TV) et constitue la source principale d’information pour 37 % des Américains (64 % chez les moins de 30 ans).

Dans ce contexte, la formule d’Elon Musk, « You are the media now », n’est pas un simple slogan mais sonne plutôt comme un projet de réorganisation du marché de l’attention. Mais si cette vision s’impose, quelles en seront les conséquences pour les médias traditionnels et, partant, pour les citoyens, ou plutôt, pour les citoyens-reporters.

I. Du blog au réseau global : l’industrialisation du modèle citoyen-reporter

Entre 2005 et 2025, le journalisme citoyen s’est imposé avec les blogs et les premiers réseaux sociaux : tsunami de 2004, Katrina en 2005, printemps arabes, ou encore l’amerrissage d’un airbus A320 sur l’Hudson en 2009, documentés par témoins et relayés sur Twitter. Il faut se souvenir que, cette même année 2009, soit bien avant le rachat de Twitter par Musk, le réseau à l’oiseau bleu avait déjà été défini par son cofondateur Evan Williams comme n’étant pas un « social network, it’s an information network ». Le principe est clair : les gens utilisent les fonctions photos/vidéos de leurs smartphones pour s’informer mutuellement ; la technologie a abaissé les barrières d’entrée, permettant d’atteindre un public global plus vite que les rédactions.

Dans cette continuité, Elon Musk reprend et développe le modèle. Sa vision encourage chacun à « poster ce qui se passe » en temps réel, mais elle le fait à une autre échelle : celle d’une centralisation autour d’une plateforme unique, soutenue par l’intelligence artificielle, qui agrège et hiérarchise.

Les années 2000 envisageaient le citizen journalism comme un réseau de blogs dispersés, Musk a bâti un écosystème intégré où la vitesse et la portée sont les moteurs du dispositif. Là où, hier, le journalisme citoyen fonctionnait comme un ensemble de petites places publiques, dispersées et autonomes, il tend aujourd’hui à emprunter une autoroute de l’attention aux péages algorithmiques : on roule plus vite, on touche plus de monde, mais on dépend d’un seul concessionnaire.

De fait, la combinaison de ces trois dynamiques que sont la désintermédiation, la centralisation et l’intelligence artificielle, bouleverse la hiérarchisation habituelle des contenus, leur vitesse de diffusion et le modèle économique des médias.


II. X + IA : une nouvelle architecture de pouvoir… et une autre façon de vérifier

Les publications d’Elon Musk, massivement partagées, traduisent une forte capacité à rallier les opinions : il présente X comme une « conscience collective » et invite chacun à faire de l’actualité, ici et maintenant. Cette vocation se voit aussi dans les stores Chrome et iOS, où X est fréquemment n°1 de la catégorie News aux États‑Unis sur iOS et figure durablement dans le top 10 « News & Magazines » sur Android. En septembre dernier, suite à l’assassinat de Charlie Kirk, un record hebdomadaire de téléchargement de l’application s’est accompagné d’une hausse des utilisateurs actifs quotidiens (+5,6 % aux États‑Unis, +2,2 % dans le monde).

Cette nouvelle dynamique amène les acteurs politiques à contourner les médias professionnels, en s’adressant directement à leurs bases, ou en s’adossant à des influenceurs « de confiance », pour le meilleur et pour le pire… Résultat : un écosystème parallèle qui surpasse régulièrement les médias traditionnels en vitesse et en influence et qui se découvre aussi dans les usages. Ainsi, aux Etats-Unis, 59 % des utilisateurs déclarent se servir d’X pour suivre la politique et les enjeux publics (un niveau supérieur à TikTok ou Instagram).

Les responsables politiques ont eux‑mêmes investi la plateforme : entre 2009 et 2019, les membres du Congrès américain y ont publié plus de 1,2 million de messages, privilégiant la communication directe. Depuis 2025, près de la moitié des tweets qui apparaissent dans le fil d’actualité des utilisateurs proviennent de suggestions personnalisées, issues de comptes qu’ils ne suivent pas, ce qui renforce l’impact des politiciens et des influenceurs perçus comme fiables.

Au cœur de ces évolutions, les Notes de communauté apparaissent comme le laboratoire d’un nouveau type de vérification. Elles incarnent l’idée qu’un collectif d’utilisateurs, appuyé par un algorithme ouvert et auditable, peut contextualiser ou corriger des informations à l’échelle du flux. Cette approche répond à plusieurs failles du fact-checking classique que nous avons évoquées précédemment. Dans le même temps, l’OSINT citoyen (géolocalisation d’images, vérification d’horodatages, analyse de métadonnées et d’imagerie satellitaire,…) montre que des collectifs non professionnels peuvent produire des vérifications de haute qualité, partageables et auditables par tous.

Complétant ce mécanisme, l’IA Grok, intégrée à X et développée par xAI, offre un fact-checking automatisé : les utilisateurs peuvent taguer « @grok » pour analyser un post en temps réel, croiser des faits avec des sources externes et détecter des incohérences, comme dans le cas de vidéos manipulées ou de déclarations politiques. Cela accélère la vérification citoyenne tout en posant des questions sur la fiabilité des réponses générées par l’IA, qui nécessite évidemment un regard critique (rien de nouveau ici).

Pour les rédactions, cela change la donne (du moins devrait la changer) : l’élément de preuve est renforcé dans son rôle (documents sources, chronologies,…) ; le texte doit être « annotable » (liens clairs, chiffres vérifiés) ; et le cycle de correction doit être public, rapide et traçable. Ces Notes de communauté et cet apport de l’IA ne remplacent pas le fact‑checking professionnel : elles améliorent le temps de vérification de l’information et augmentent la surface de circulation des éléments factuels de validation/invalidation, tandis que les équipes dédiées peuvent, si nécessaire, approfondir le fond. L’enjeu, du moins dans un premier temps, n’est pas la substitution de l’un à l’autre, mais la complémentarité : associer la réactivité citoyenne à la rigueur éditoriale.

III. Trouver l’équilibre : vitesse, preuve, responsabilité

Les bénéfices sont réels : lors de catastrophes, d’attentats, de révoltes, l’information circule souvent via les smartphones des citoyens, avant d’être capturée par les caméras des professionnels. En France, la perception de la qualité accompagne ce renouveau : 82 % jugent les pure players digitaux au moins équivalents à la presse écrite (dont 27 % supérieurs), 78 % estiment que les médias vidéo 100 % digitaux sont au moins au niveau de la télévision, et 79 % considèrent les podcasts natifs au niveau ou au‑dessus de la radio (enquête IFOP). Bref, le journalisme « nouvelle génération » a gagné sa légitimité. Cette dynamique s’enracine dans une tendance de fond : en 2025, aux USA, l’utilisation des réseaux sociaux pour s’informer a augmenté de 6 points, sans aucune hausse notable pour la TV ou la presse. Par ailleurs, l’usage de X comme source d’actualité reste stable ou en croissance dans de nombreux pays (+8 points aux États‑Unis).

Mais cette logique a aussi ses limites, ainsi, la participation est variable selon les langues et les sujets ; certaines informations très virales se diffusent en ligne avant d’être corrigées ; d’autres, plus techniques, n’attirent pas assez d’attention pour permettre un consensus. On se retrouve alors face à un espace de vérité fragmenté, où la qualité pourrait finalement dépendre des communautés mobilisées, même si l’algorithme intègre des mécanismes de défense contre ce type de problèmes.

Concrètement, plutôt que de résister à cette évolution, les médias pourraient l’accompagner en modifiant leurs pratiques : publier les sources primaires, tenir un journal des corrections, intégrer des preuves traçables et adopter des formats annotables. Ils pourraient aussi travailler avec la vérification pair-à-pair, un processus où les citoyens et les médias collaboreraient directement à la validation de l’information. Les rédactions pourraient ainsi s’impliquer directement dans cette vérification citoyenne, en étant transparentes et réactives. En parallèle, elles devraient s’appuyer sur les communautés OSINT (géolocalisation, chronologies publiques, l’imagerie ouverte) pour étayer rapidement des informations sensibles et fournir des preuves concrètes. Cette collaboration entre médias et citoyens pourrait renforcer la fiabilité de l’information en agissant en temps réel et en rendant les preuves accessibles à tous.

De fait, cette bataille ne concerne pas seulement les médias mais porte bel et bien sur le contrôle des infrastructures d’opinion.


Conclusion — La redistribution des cartes

En sacralisant l’utilisateur‑reporter, en centralisant la distribution sur une plateforme‑IA et en déclassant symboliquement la médiation professionnelle, la vision d’Elon Musk (parce que c’est Elon Musk) a déjà modifié le terrain de jeu. L’impact pour les médias traditionnels sera fort — l’est déjà — parce qu’il est structurel : il touche la découverte de contenus, la confiance du public et l’économie des rédactions.

Reste pourtant une évidence : la société a besoin d’un journalisme capable de prouver : dans un monde où « You/We are the media now », la valeur différenciante n’est plus vraiment de prévenir de ce qui arrive, mais d’établir ce qui est vrai. De fait, cette nouvelle posture n’abolit donc pas le journalisme mais l’oblige.

Pour que l’espace public tout entier y gagne, trois mots d’ordre nous semblent devoir être suivis : Vite. Vrai. Responsable.

  • Vite : les Notes de communauté et l’IA pour contextualiser dans le flux et freiner la désinformation à chaud.
  • Vrai : l’OSINT citoyen pour apporter des preuves ouvertes et vérifiables (géolocalisation, chronologies, métadonnées,…).
  • Responsable : des rédactions qui valident, hiérarchisent, corrigent et… assument.

Trouver l’équilibre entre ces éléments permettra de préserver un espace d’information médiatique lisible et digne de confiance.

Error happened.
Spread the love
        
Article précédentInformer en 2025 (V-a): notes de communauté, quand l'intelligence collective rencontre l'algo…

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

RETROUVEZ-MOI SUR

CHRISTOPHE DESCHAMPS

IMG_8825_3Consultant et formateur en veille stratégique, intelligence économique et mindmapping depuis 15 ans

Articles récents

Informer en 2025 (V-b) : le facteur Musk7 novembre 2025
Informer en 2025 (V-a): notes de communauté, quand l’intelligence collective rencontre l’algo…6 novembre 2025
Comment (et pourquoi) bien chercher sur Google ? Partie 2 : les opérateurs de ciblage5 novembre 2025

Catégories

  • Concepts
  • Infos
  • Méthodologie
  • Non classé
  • Outils
  • Premiers pas
  • Réflexions
  • Ressource
  • Revue de liens

Étiquettes

AlertesMotsCles analyser l'information chatGPT Collaborer ConserverLeWeb ContentDiscovery Curation Dataviz Diffuser l'information Désinformation ExtensionNavigateur Facebook France GestionVideos Google HtmlToRss Informer Inoreader Intelligence artificielle intelligence économique knowledge management Lecture LLMs MediasSociaux mindmapping MonitoringMediasSociaux MoteurDeRecherche OSINT Outil collaboratif Outils Froids personal knowledge management PKM Presse Présenter l'information RecherchePersonne RechercheWeb RevueDeLiens RSS SurveillancePagesWeb SurveillanceSourcesWeb Tutoriel Twitter Veille VeilleVideo Video

DERNIERS TWEETS

Tweets by crid

Recevez les nouveaux articles de ce blog

Informer en 2025 (V-b) : le facteur Musk7 novembre 2025
Informer en 2025 (V-a): notes de communauté, quand l’intelligence collective rencontre l’algo…6 novembre 2025
Comment (et pourquoi) bien chercher sur Google ? Partie 2 : les opérateurs de ciblage5 novembre 2025

Abonnez-vous à notre newsletter

mentions-legales

Articles récents

Informer en 2025 (V-b) : le facteur Musk7 novembre 2025
Informer en 2025 (V-a): notes de communauté, quand l’intelligence collective rencontre l’algo…6 novembre 2025
Comment (et pourquoi) bien chercher sur Google ? Partie 2 : les opérateurs de ciblage5 novembre 2025

Catégories

  • Concepts
  • Infos
  • Méthodologie
  • Non classé
  • Outils
  • Premiers pas
  • Réflexions
  • Ressource
  • Revue de liens